J.O. Numéro 209 du 9 Septembre 2000
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Texte paru au JORF/LD page 14165
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Décision du 6 septembre 2000 sur une requête présentée par M. Charles Pasqua
NOR : CSCX0004338S
Le Conseil constitutionnel,
Vu la requête, enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 25 août 2000, présentée par M. Charles Pasqua et dirigée contre le décret no 2000-667 du 18 juillet 2000 relatif à la campagne en vue du référendum ;
Vu les observations présentées par le Gouvernement enregistrées comme ci-dessus le 30 août 2000 ;
Vu les observations en réplique, enregistrées comme ci-dessus le 5 septembre 2000, présentées par M. Charles Pasqua ;
Vu la Constitution, notamment ses articles 4, 5, 13, 60 et 89 ;
Vu l'ordonnance no 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre VII du titre II ;
Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les réclamations relatives aux opérations de référendum ;
Vu la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le décret no 2000-655 du 12 juillet 2000 décidant de soumettre un projet de révision de la Constitution au référendum ;
Vu le décret no 2000-667 du 18 juillet 2000 relatif à la campagne en vue du référendum ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Considérant que le requérant demande au Conseil constitutionnel d'annuler le décret susvisé du 18 juillet 2000 ; qu'il fait valoir à cet effet qu'il n'appartenait pas au pouvoir réglementaire de fixer les règles relatives à la campagne d'un référendum organisé sur le fondement de l'article 89 de la Constitution ; qu'en outre, selon lui, les articles 3, 5 et 6 du décret contesté méconnaîtraient la liberté d'opinion et d'expression affirmée tant par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 que par l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que ces dispositions violeraient également les articles 3 et 4 de la Constitution en portant une atteinte grave à l'égalité entre organisations politiques ;
Sur la compétence des auteurs du décret attaqué :
Considérant que si aux termes du deuxième alinéa de l'article 34 de la Constitution : « La loi fixe les règles concernant les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques... », c'est au pouvoir réglementaire, dès lors que manquent les dispositions législatives nécessaires, qu'il incombe de fixer les modalités d'exécution de la décision par laquelle le Président de la République, faisant usage de ses prérogatives constitutionnelles, soumet un texte au référendum, que ce soit en application de l'article 11 ou de l'article 89 de la Constitution ; qu'il appartient ainsi au pouvoir réglementaire de rendre applicables, avec les adaptations justifiées par ce type de consultation, les dispositions législatives et réglementaires régissant d'autres consultations électorales ;
Sur la légalité des articles 3, 5 et 6 du décret attaqué :
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 3 du décret attaqué : « Les partis et groupements politiques représentés, à la date du présent décret, par au moins cinq députés ou cinq sénateurs au sein d'un groupe parlementaire à l'Assemblée nationale ou au Sénat sont habilités à leur demande à participer à la campagne... » ; que le deuxième alinéa de ce même article dispose que : « Sont également habilités à leur demande à participer à la campagne les autres partis et groupements, dès lors qu'ils ont obtenu, seuls ou au sein d'une coalition formée entre eux, au plan national, au moins 5 % des suffrages exprimés à l'élection des représentants au Parlement européen qui a eu lieu le 13 juin 1999 » ; qu'en vertu de l'article 5 du même décret, les organisations politiques relevant du premier alinéa de l'article 3 « disposent dans les programmes des sociétés nationales de programme d'une durée de deux heures d'émission télévisée et de deux heures d'émission radiodiffusée... » ; que l'article 6 attribue cinq minutes d'émission télévisée et cinq minutes d'émission radiodiffusée aux organisations politiques relevant du deuxième alinéa de l'article 3 ;
Considérant, en premier lieu, qu'en réservant aux partis ou groupements politiques l'accès aux émissions télévisées et radiodiffusées des sociétés nationales de programme, les auteurs du décret n'ont fait que mettre en oeuvre les dispositions de l'article 4 de la Constitution aux termes desquelles : « Les partis et groupements politiques concourent à l'expression du suffrage » ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'en exigeant que ces organisations politiques soient représentées par au moins cinq membres au sein d'un groupe parlementaire ou aient obtenu, seuls ou au sein d'une coalition, 5 % au moins des suffrages exprimés aux dernières élections des représentants au Parlement européen, les auteurs du décret ont retenu des critères objectifs qui, en raison notamment du caractère limité des temps d'antenne disponibles à la radio et à la télévision en vue de la campagne officielle, ne portent pas atteinte à l'égalité entre les partis ou groupements politiques et ne violent ni le principe de libre communication des pensées et des opinions proclamé par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ni l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant, en troisième lieu, que les critères de représentativité retenus pour l'habilitation des partis et groupements politiques à participer à la campagne référendaire permettent que soient portées à la connaissance des électeurs les différentes prises de position ; qu'est ainsi satisfaite l'exigence constitutionnelle du pluralisme des courants d'idées et d'opinions qui découle de l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête doit être rejetée,
Décide :
Art. 1er. - La requête de M. Charles Pasqua est rejetée.
Art. 2. - La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 6 septembre 2000, où siégeaient : MM. Yves Guéna, président, Georges Abadie, Michel Ameller, Jean-Claude Colliard, Alain Lancelot, Mme Noëlle Lenoir, M. Pierre Mazeaud et Mmes Monique Pelletier et Simone Veil.
Le président,
Yves Guéna